Ukraine : une menace de plus après la crise sanitaire
En plus de l’inquiétude pour les populations touchées et l’équilibre du monde, la guerre lancée par la Russie renforce les pressions engendrées par la pandémie de Covid-19, telles qu’inflation et difficultés d’approvisionnement.
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La Covid n’a pas encore tourné les talons qu’une autre déflagration potentielle pour l’économie a fait son apparition : la guerre menée par la Russie en Ukraine. Difficile de se risquer à imaginer quel sera son impact sur le secteur du végétal, mais alors que la saison de printemps, la plus importante pour l’horticulture, se profile, il n’est pas non plus imaginable d’éluder la question. Les conséquences du conflit pourraient être largement évolutives dans le temps, toutefois, à l’heure où ces lignes sont écrites, à la mi-mars, beaucoup de chefs d’entreprises horticoles restent encore sereins malgré les risques, que chacun voit poindre, d’une baisse de la consommation.
« Nous avons gagné la bataille du végétal essentiel, aussi bien dans le décret qu’auprès des consommateurs, et construit notre vision pour la production horticole dans le monde d’après-Covid, pointe Marie Levaux, la présidente de la Fédération nationale des producteurs de l’horticulture et des pépinières (FNPHP). Nous n’avions pas imaginé le contexte géopolitique qui s’impose à nous depuis quelques jours. C’est une nouvelle donne à appréhender et nous sommes aujourd’hui confrontés à de nouveaux questionnements. Car même si nous avons tous les arguments pour développer notre filière et faire de nos produits des contributeurs dans la société de demain face au changement climatique dans les villes et les campagnes, il est difficile de savoir comment notre société va vivre dans un contexte anxiogène dû à cette guerre aux portes de l’Europe. Quelles seront les priorités, les modes de vie ? »
« Depuis deux ou trois ans, il y a beaucoup de signaux qui montrent que les consommateurs veulent du végétal, estime Philippe Wegmann, directeur du BHR, Bureau horticole régional, à Angers (49). Cela devrait perdurer. » D’autant que beaucoup de Français risquent de devoir écarter des projets de vacances d’été, ce qui renforcera le repli sur son « chez-soi » et le besoin d’en améliorer le confort. Nombre de personnes interrogées partagent ce point de vue. Toutefois, des bémols viennent assombrir ce relatif optimisme.
La spirale inflationniste touche fortement le monde horticole
Principal sujet d’inquiétude : l’inflation, qui grignote le pouvoir d’achat de nombreux consommateurs, notamment ceux pour qui la voiture est l’outil de travail quotidien ou ceux qui peinent à se chauffer.
« Il est assez probable que l’impact de l’inflation globale – accélérée pour certains produits – conduise à une modération des achats des particuliers, donc plutôt le marché “retail”, mais cela ne se voit pas encore », avance Pierre de Prémare, à la tête des pépinières Chapelan et Guillot-Bourne II, à Jarcieu (38).
Même constat sur le marché des collectivités : les conséquences de la guerre ne se ressentent pas encore non plus : « Nous n’avons observé à ce jour aucune demande, ni aucun changement dans les commandes qui étaient déjà passées avant ces tristes événements », précise Christophe Jarry, horticulteur à Herblay (95).
Tijmen Verver, qui dirige l’entreprise néerlandaise Verver export, un gros fournisseur de bulbes pour les collectivités, assure être d’accord sur ce point mais ajoute qu’il « est possible que les budgets publics soient remis en cause ».
La principale inquiétude du monde de la production reste celle des fournitures et intrants. La flambée des cours du gaz, du fioul et des carburants, ainsi que les difficultés à se procurer des pots ou des engrais, sont pour l’instant les sujets de préoccupation majeurs. « En ce qui concerne les achats de machines, les délais s’allongent, les coûts augmentent, surtout pour la maintenance », explique Thierry Browaeys, qui dirige les pépinières La Forêt, aux Sorinières (44). En conséquence, les prix continuent de grimper. « Mais le consommateur va-t-il pouvoir suivre, vu les autres hausses du coût de la vie ? » interroge-t-il.
Pour Philippe Wegmann, ces augmentations posent un autre problème : celui de la négociation avec la distribution. Le dialogue n’est pas toujours facile en temps normal, mais cette fois le contexte pourrait ne rien arranger ! Par ailleurs, le juge de paix final, le consommateur, pourrait finir par trouver les prix trop élevés, malgré son appétence avérée pour le végétal.
D’une crise à l’autre, la guerre en Ukraine ne pose pas un réel problème nouveau à la filière. Elle ne fait qu’accentuer les constats dressés durant la pandémie. Si tout se termine aussi bien pour l’horticulture qu’avec la crise sanitaire, personne ne s’en plaindra, mais le danger est cette fois d’une nature bien différente !
Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :